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Chroniques
Wolfgang Rihm
Oedipus | Œdipe
Après avoir résolu l’énigme du Sphinx (ou de la Sphinge, si l’on veut respecter le féminin du mot grec), Œdipe pénètre dans Thèbes. La ville est confrontée à la peste, un fléau qui doit cesser avec le châtiment du meurtrier du roi Laïos. Mais qui est l’homme recherché ? Le devin Tirésias connaît déjà son identité, la veuve Jocaste le comprend peu à peu, tandis qu’Œdipe, le fils parricide et incestueux, dévoilant l’un après l’autre des mensonges qui l’accompagnent depuis l’enfance, apprend lui aussi l’horrible vérité.
En 1981, Götz Friedrich (1930-2000) arrive à la Deutsche Oper Berlin qu’il dirigerait jusqu’à sa mort. Très vite, il se tourne vers le jeune Wolfgang Rihm (né en 1952), héraut de la Nouvelle simplicité qui prône un retour de l’émotion au sein d’un art inféodé aux mathématiques depuis la fin de la guerre. Invité en résidence, le compositeur livre alors un poème dansé en hommage à Artaud (Tutuguri, 1982) et organise la reprise d’un opéra de chambre commandé par Hambourg (Jacob Lenz, le 10 avril 1983) [lire notre chronique du 11 avril 2006] avant de se consacrer à Oedipus, sur les traces de Stravinsky (1927) et d’Enescu (1936).
Depuis toujours intéressé par le théâtre de la cruauté qui contient les prémices de la dislocation du texte – au point d’écrire encore Die Eroberung von Mexico (1992) puis Seraphin (2011), sous la même influence –, le créateur de Dionysos [lire notre chronique du 5 août 2010 et notre critique du DVD] puise chez plusieurs auteurs la matière d’un livret qui suit fidèlement le mythe antique : Hölderlin, Sophocle, Nietzsche et Müller. Le public découvre l’ouvrage le 4 octobre 1987, partagé entre bravi et hués, comme le prouve un enregistrement assez court pour motiver la curiosité (105’).
Au XXIe siècle de juger maintenant ce Musiktheater en deux parties, passées les sept minutes de présentation qui préludèrent à sa captation pour la SFB (Sender Freies Berlin). Pour notre part, nous apprécions le brassage esthétique de Götz Friedrich qui concourt à l’intemporalité (masques antiques, costumes contemporains), une évolution fluide des espaces et la musique, dominée par les vents, jamais étouffante ni hystérique. Cette dernière n’est d’ailleurs pas donnée qu’en fosse, sous la battue de Christof Prick, mais inclut voix enregistrées et interventions des chanteurs (plaque de métal suspendue, grosse caisse).
Pour certains déjà familiers de Rihm, Henze, Berg et Wagner, les solistes forment une équipe pour le moins excellente. On applaudit Andreas Schmidt (rôle-titre), baryton souple, nuancé et précis, William Pell (Kreon), ténor vaillant et impacté, ainsi que les sonores William Dooley (Tiresias) et Lenus Carlson (Le messager). Bien évidemment, Emily Golden (Jokasta) nous enchante également, par un chant incisif riche en grave.
LB